Dans
le premier article de cette rubrique, j’avais fait remarquer que la musique
prenait le second rôle sur grand écran, laissant la place à l’image. Mais ce
n’est pas toujours le cas ! Nombreux sont les biopics, les documentaires
ou encore concerts filmés. En préparant cet article je voulais me pencher sur
trois documentaires et les décortiquer un à un. C’était sans compter sur ces
films qui m’ont surpris et qui se sont avérer ne pas être du tous des documentaires
au sens où je l’entendais !
J’ai
donc regardé pour vous: « Shine A Light » - « I’m Not There » - « From The Sky Down » Le premier m’intriguait depuis
longtemps, je savais que Martin Scorsese avait tourné avec les Rolling Stones,
et il m’avait semblé avoir ici un documentaire sur le groupe Anglais.
D’ailleurs même sur Allociné, il est référencé « documentaire ».
Cependant, il s’agit en réalité d’un concert de charité filmé par Scorsese avec
les moyens de Scorsese, le résultat est fort intéressant. Pour le deuxième, je
savais que je n’avais pas à faire à un
film « normal » avant visionnage. Mais cette fresque de la
personnalité de Bob Dylan est tout bonnement renversante, tant par la
profondeur du personnage que par la qualité de la réalisation. Seul le
troisième est un documentaire au sens propre du terme. « From The Sky
Down » a été tourné à l’occasion du 20ème anniversaire de la
sortie de l’album mythique de U2 : Achtung Baby.
C’est
donc avec trois réalisateurs, trois légendes de la musique et trois films
totalement différents qu’il faudra composer aujourd’hui. Voyons si après tout,
il existe un style faisant vivre la musique à l’écran plus qu’un autre.
Martin Scorsese entouré des Stones |
Comme
vous vous en doutez, chaque réalisation est différente et elles s’accompagnent
de leurs qualités et leurs défauts. Si je prends « Shine A Light »,
celui qui, avouons-le, m’a presque déçu car les parties explicatives sur les
Stones que j’étais venu chercher sont bien trop courte à mon gout. Martin Scorsese, adorateur des Stones, a voulu les filmer lors d’un concert au Beacon
Theatre de New York et la prise de vu du concert est sublime. Le coup d’œil et
la mise en place d’un dispositif complet (voir même lourd à supporter pour les
spectateurs qu’on imagine bien se pencher dans tous les sens pour éviter
d’avoir la caméra devant les yeux.) sublime une performance réussie pour les
papy du Rock ! D’ailleurs les interventions de Jack White et de Christina Aguilera sont de vrais bonus.
Mais comme je le disais, je cherchais plutôt dans
ce film une partie documentée, avec de vraies informations sur le comment du
pourquoi « Rolling Stonnien » ! Que nenni ! Martin n’en a
que pour les beaux yeux de Mick, et toute l’énergie qu’il peut transmettre sur
scène est parfaitement retransmise par son fameux admirateur. On peut cependant
se réjouir de la première partie du film faisant place (en noir et blanc s’il
vous plait) à l’avant concert. Seule miette documentaire, on s’amuse de « l’énervement »
du réalisateur devant autant de décontraction de la part des Stones. Mais
Scorsese n’en était pas à son coup d’essai avec les stars, il avait tourné
trois ans plus tôt un biopic sur Dylan avec Dylan. Or tout le monde sait que de
nos jours, l’ami Bob n’est pas toujours simple à diriger…
Pour
éviter tout problème avec le leader de la Folk, Todd Haynes réalise « I’m
Not There » non pas avec un Bob Dylan, mais avec six Bob Dylan ! Aucun
d’eux n’étant le vrai, chaque acteur représente une facette de l’homme ayant
chamboulé le monde de la musique et de la poésie moderne. Lorsque j’évoque six
acteurs, je n’évoque pas des inconnus : Christian Bale, Richard Gere,Heath Ledger, Ben Wishaw, (un jeune garçon noir !) Marcus Carl Franklin et
même une femme (avec une prestation à couper le souffle) Cate Blanchett et
aucun d’eux n’aura jamais le nom de Bob Dylan, mais une multitude de référence
à ses chansons et ses surnoms. En marge de ce superbe casting nous trouvons
encore Charlotte Gainsbourg jouant une de ses femmes. Ils prennent tour à tour
le poète, le prophète, le hors-la-loi, l‘imposteur, le comédien, le martyr et
le "Born Again" ; autant dire que les performances d’acteurs se
suivent et ne se ressemblent pas. C’est du point de vue du storytelling de
Haynes fait mouche. Il mélange allégrement toutes les parties de la vie de
Dylan, si bien qu’on ne sait plus qui du poète ou du comédien donne naissance
au prophète et inversement. C’est à la fois déstabilisant, peu de films jouent
aussi bien avec la ligne temporelle sans se perdre dans des explications
douteuses, et à la fois grisant. On se sait perdu mais qu’importe, avec en
permanence Dylan en fond sonore, on se délecte de chaque instants que nous
offre cette ribambelle d’acteurs plus géniaux les uns que les autres.
D’un
point de vue personnel, et ne connaissant pas parfaitement la vie de Bob Dylan,
je suis ressorti d’ « I’m Not There » avec la sensation d’avoir
appris quelque chose sur Bob Dylan mais pas sur sa vie. Comme si, le pari de
Todd Haynes avait été de nous plonger DANS Dylan au lieu de nous installer sur
la route AVEC Dylan. Si c’est le cas, c’est une réussite. Ce n’est pas pour
rien que ce film fut doublement primé à la Mostra de Venise en tant que
« Grand Prix Spécial du Jury » et « Coupe Volpi de la meilleure
interprétation féminine » pour Cate Blanchett. Nous sommes très loin d’un
documentaire mais peu importe l’histoire et trop bonne pour être dépréciée.
Ce
qui nous emmène à « From The Sky Down ». Avant de commencer, je dois
vous avouer que je suis un immense fan de U2. Mes attentes étaient donc énormes
lorsque j’ai lancé le film pour la première fois. Et contrairement à ce que
l’on pourrait penser, ce n’est pas parce que je suis un fervent admirateur que
j’aime tout ce qui porte le logo U2. J’avais, par ailleurs, été assez déçu par
le documentaire « Rattle And Hum » qui montrait un groupe aux
antipodes du plaisir, chose ahurissante quand on sait le bonheur qu’ils
transmettent sur scène. Depuis, les quatre Irlandais n’hésitent pas à se moquer
allégrement d’eux même et de leurs prestations. « From The Sky Down »
est né de la préparation du premier concert de U2 au festival de Glastonbury,
qui coïncidait avec le 20ème anniversaire d’Achtung Baby. Le groupe
est donc allé sur demande de Davis Guggenheim (réalisateur du film) répéter
dans les locaux ayant vu naitre le chef d’œuvre. Je ne raconterai pas
l’histoire passionnante qui se cache derrière cet album, d’ailleurs il n’y a
pas qu’une histoire, c’est une multitude d’anecdotes qui ont fait apparaitre Achtung
Baby. Je dévoilerai juste qu’à l’instant d’entrer en studio à Berlin, soit en
sortait un album de la qualité de celui sorti, soit le groupe mourrait en
essayant de le créer. Davis Guggenheim, qui avait déjà tourné avec The Edge
pour « It Might Get Loud » (sans doute un futur article !), a eu
la bonne idée d’entremêler images du passé avec interview d’aujourd’hui. Si
bien que nous voilà raconter le long et sinueux processus créatif par le plus
grand groupe du monde. C’est un vrai régal.
Bono - Davis Guggenheim - The Edge |
On touche du doigt la rigueur d’une
répétition, et le sérieux (voir même le perfectionnisme) du groupe lors de
reprise de leurs propres chansons. Comme je l’évoquais plus haut, les anecdotes
pleuvent et les inédits aussi, ainsi j’ai été scotché par le « Love Is Blindness » de The Edge ainsi que par l’histoire se cachant au dedans. Le
vrai plus de Davis Guggenheim est d’avoir su mettre le groupe à l’aise, il a
ainsi pu filmer la joie de vivre même après plus de 35 ans de vie commune de
Bono, The Edge, Adam Clayton et de Larry Mullen Jr. Le film se conclut sur
l’entrée en scène à Glastonbury, la chair de poule est de rigueur tant
l’émotion est grande, car après tout ce
que l’on a appris sur Achtung Baby, il nous appartient un peu plus
qu’auparavant et nous serions prêt à le défendre sur scène avec eux !
Que
ce soit Davis Guggenheim, Martin Scorsese ou Todd Haynes, ils ont chacun à leur
manière rendue hommage à une légende de la musique moderne. Et même si j’aurais
aimé plus de documentaire pour les Stones, même si certains regrettent le
manque de linéarité dans « I’m Not There » ou la surexposition de
Bono ; je suis obligé d’admettre qu’à chaque fois j’ai pris un immense
plaisir à regarder ces films. Bien entendu je vous les conseille, n’ayez pas
peur d’être lassé, la musique est le meilleur des suspens, on ne sait jamais
quelle note va naitre après la dernière jouée !
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