Nous
sommes le 29 février 2008, il est environ 22h30 et je sors trempé d’un concert et
je ne sais si mes oreilles sifflent à cause de la sono réglée au max ou des
cris stridents de la centaine de jeunes filles hystériques (et je pèse mes
mots) qui n’a cessé de s’époumoner dans l’atmosphère brulante de cette petite
salle de Montfavet. La passion était telle que les pompiers se donnaient à cœur
joie de nous arroser avec tout ce qu’ils leur passaient sous la main. Ce
n’était pas les Rolling Stones, ce n’était pas U2 ou Dylan, ce n’était
« que » les BB Brunes. J’étais au premier rang. J’ai tout vu, et
malgré la sono, qui rendait incompréhensible le moindre mot prononcé par Adrien
Gallo, et cette ambiance proche du chaos que seule une horde de jeunes
demoiselles peut créer, il s’est tout de même « passé quelque chose ». Ce petit frémissement qui vous laisse
sans voix en sortant, qui vous fait réécouter l’album sans cesse pour essayer
de ressaisir cet instant magique où l’émotion est passé des doigts sur les
cordes de guitare jusqu’à nos oreilles.
Ce
n’est qu’aujourd’hui, avec leur troisième opus dans les mains, que je sais ce
que j’ai vu ce soir-là. En réalité je n’ai rien vu, je l’ai senti, j’avais
senti un talent. Alors encore à l’état brut, il en manquait encore beaucoup
pour en faire jaillir de quoi sortir de la masse des chanteurs qui veulent
percer. Le résultat est là pourtant, « Long Courrier » est sorti
le mois dernier, c’est une réussite.
S’il
vous semble facile de prédire un succès 6 ans plus tard, je vous répondrais
juste que je n’ai eu de cesse de clamer la fraicheur qu’a apportée BB Brunes
dans le paysage Rock de la musique Française depuis la sortie de « Blonde
Comme Toi » en 2006. Car il faut bien l’avouer, être un fervent défenseur
de Gallo et sa bande n’a pas toujours été facile. Longtemps estampiller (plus
souvent à tort qu’à raison d’ailleurs) du logo « Groupe à faire pleurer les minettes », leur look et leurs
attitudes ont souvent effacé la partie musicale de toute critique à leur égard.
Il est vrai que « Blonde Comme Moi » fut écrit alors qu’ils passaient
le Bac, la profondeur des textes s’en ressent. Désormais, on parle ouvertement
de fellation (J’écoute les Cramps), de plan à trois, de première fois (Dis Moi,
BB Baise) et grand classique des chansons d’adolescents : de problèmes de
cœur (Pas Comme Ça, Houna…). Et même s’ils abusent d’arrêts brutaux pour
repartir sur un crescendo de batterie, ce Garage-Rock dépoussière des années de
Rock mollasson depuis la fin de Noir Désir. Puis en 2006, les succès de l’année
se nomment Faf Larage et Diam’s… autant de raisons d’aimer de la nouveauté dans
les rythmes et autant d’énergie en si peu de chansons (si courtes !).
Le
souci avec les premiers albums c’est que bien souvent on ne s’en relève pas. En
oubliant de se renouveler ou tout simplement en n’en sortant jamais un deuxième
trop occupé à dilapider le premier à Ibiza, on ruine tout espoir de se voir
écouter de nouveau. C’est donc avec appréhension que j’attendais en Décembre
2009 sorti de « Nico Teen Love ». Quel soulagement d’entendre un renouvèlement,
et pas un petit ! En décidant de grandir et de canaliser cette énergie
brute, qui caractérisait "Blonde Comme Moi", pour la transformer en
mélodie (sérieusement absente du premier opus) profondément ancré dans le Rock
Français et Britannique, ils gagnent en épaisseur tant sur le fond que sur la
forme. Avec la mélodie, on remarque enfin que A.Gallo sait chanter sans crier
sur des rythmes endiablés (Gare Au Loup, (D)andy). C’est d’ailleurs à cet
instant que l’on note une quasi absence de sexe dans les textes, plus souvent
remplacer par des sentiments tels que l’éloignement (M. La Maudite) ou le
manque (Cola Maya) et parfois par des introspections plus qu’agréable
(Illuminations) Alors, bien entendu les
tempos sans limite sont toujours présent
mais ne sont pas représentatif de l’album, au contraire, ils semblent
plus être des souvenirs du précédent, reprenant la même forme de composition et
de chant (Ma Mods, Peut Être Pas Cette Fois). S’il avait été en vie, on aurait
pu croire sa patte derrière « Nico Teen Love » et « Britty Boy », tant ces deux chansons transpirent Serge Gainsbourg. Ce sont sans
doute les deux meilleures, leur profondeur musicale et textuelle est sans
pareille dans l’histoire des BB Brunes à cet instant. « Britty Boy »
tel « Initial BB » introduit l’aide ultime à la mélodie : les
violons. Les paroles ne sont pas en reste et se voient éclairer de jeux de mot
et de double sens agréables à l’oreille. Quant à « Nico Teen Love »
il ne s’agit ni plus ni moins du « Bonnie And Clyde » revisité (et
bien revisité) à la sauce BB Brunes.
Il est clair qu’en trois ans, le groupe de
Parisiens a décidé de s’orienter vers la mélodie. J’avais alors pensé qu’ils
seraient bien avisés de continuer sur ce chemin tant la qualité de ce deuxième
album est élevée. Ils ont effectivement poursuivi dans cette voie, grand bien
leur en a pris.
Nous
sommes le 10 octobre et je ne me lasse pas de « Long Courrier ».
Depuis sa sortie, ses mélodies travaillées en collaboration étroite avec
Etienne Daho me hante et ne sont pas prêtent de me quitter. Cette fois-ci, les
BB Brunes ont totalement oublié le Garage-Rock et distillent une musique plus
riche que jamais, puisant dans les meilleurs artifices de la pop des années 80
et guider par le producteur de Gossip : Allan O'Connel, le résultat est
époustouflant. La puissance du Rock de Gossip sur les rythmes enivrant de la
Pop de Daho, c’est tout bonnement un régal. Encore une fois, les textes
évoluent et se tournent (enfin) vers les faits de société comme en témoigne
« Police Déprime » ou «Au Garde à Vous », tout en gardant
tout de même cette plume dirigée vers les bonheurs/tourments de l’âme
(Aficionado, Bye Bye). Ces revirements font la part belle à la voix d’Adrien
Gallo, qui est étonnant avec celle-ci. Autant à l’aise dans le Rock de
« Rue De Buci » que dans la ballade « Hémophile », le chant
à trouver sa place au sein des chansons et n’est désormais plus secondaire.
Autre grand atout des BB Brunes et peut-être plus palpable sur ce troisième
disque : la puissance des refrains. Depuis 2006, pas un refrain n’a pas
été intelligemment utilisé pour relancer une chanson, et si l’impact ne s’était
pas produit dans votre tête sur « Nico Teen Love », il se fera sur
« Long Courrier ». Car que ce soit « Stéréo »,
« RIP » ou « Grand Rio » vous ne pourrez vous empêcher un
pas de danse ! Dans l’ensemble, c’est un album plus joyeux, presque haut
en couleur qui nous est offert, à l’entrée de l’automne, c’est un vrai cadeau.
J’aurais
pu faire trois articles reprenant tour à tour chaque album, j’ai préféré tous
les aborder d’un seul coup, délaissant souvent les technicités musicales au
profit d’un ressentit plus personnel. En inscrivant ce nouvel opus dans une
dynamique qui débuta en 2006, j’ai sans doute essayé de justifier que depuis le
début, ce groupe mérite qu’on s’intéresse à lui. Car même si l’image n’est pas
toujours agréable, l’oreille doit parfois savoir fermer les yeux pour
comprendre et entendre ce qui se passe réellement devant elle. Ne voyez plus ces pédant
parisiens mais laissez-vous porter par ce qu’ils font de mieux : du Rock.
Et tout comme moi en ce soir de février au milieu d’un chaos indescriptible, vous
passerez une superbe soirée !
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