vendredi 6 juillet 2012

The Libertines - The Libertines


Cette semaine j'aimerais partager une rencontre musicale qui n'a failli jamais se faire. Je la dois à un ami (qui, je l’espère, se reconnaîtra) qui un soir de festival m'a fait rester pour un concert de plus : celui de Pete Doherty.
Avant ce concert je ne connaissais de lui que ses frasques avec sa douce Kate Moss et leur poudre blanche qui leur était si chère. Après, j'avais vu l'artiste. J'avais vu un homme seul capable d'enchanter 30000 personnes avec une guitare Folk et sa voix. J'étais abasourdi. C'est pourquoi en rentrant, en plus d'écouter son sublime album solo (qui ne devrait pas tarder à être le sujet d'un article) je me suis plongé dans ses anciennes collaborations. La meilleure est sans nul conteste pour moi le dernier album des Libertines sobrement nommé The Libertines.
Partageant la tête du groupe avec Carl Barat, ils enregistrent en un temps record cet album dans une ambiance des plus délétère. Et pourtant, le résultat est époustouflant, pas toujours égale dans la réalisation mais c'est cette ambiance Rock fait dans l'urgence qui résume le mieux l'état d'esprit de cette collaboration, et parfois ce qu'on attend du Rock c'est qu'il déménage peu importe comment.


L'impression générale qui ressort de cet album, c'est l'urgence. L'urgence de faire de la musique avant que le besoin de « drogue » ne revienne, avant qu'une énième prise de tête éclate entre les deux leaders. De cette urgence naît une vitalité hors norme. C'est d'ailleurs la raison principale de mon aliénation à cet album : une vitalité qui se transmet avec facilité malgré l'agressivité de la plupart des titres. Il y a plusieurs variables qui ont permis à la vitalité de déborder de chaque morceaux.
Tout d'abord, et j'en ai déjà parlé plus haut, l'urgence, la vitesse d'écriture est mise en jeu. Nombre de morceaux sont écris après les concerts ou durant les trajets entre ceux-ci. C'est cette fougue d'écriture et de composition qui nous permet d'écouter les titres « Tombland », « Arbeit Macht Frei » ou encore « The Saga ». D'ailleurs, en introduction je parlais d'une production inégale ; et bien l'exemple est ici marquant que musicalement ça va très vite, les arrangements sont inexistants et les paroles ont dues être écrites sur un bout de nappe. Heureusement que l'âme du Rock coule dans ce méli-mélo de guitare, car si peu de travail post-écriture est préjudiciable pour la plupart des groupes tentant expériences du Rock à la va-vite. Il ne faut cependant pas se leurrer. Des pistes d'à peine plus d'une minute ne peuvent pas être de qualité, ou tout du moins de la qualité que l'on espère, que l'on attend d'un tel groupe. Pour avoir des chansons plus construite il faut attendre que Doherty et Barat utilisent leur deuxième levier à vitalité: leurs talents.
Car oui, malgré une entente presque inexistante par moment, les deux hommes jouissent d'un talent hors norme pour faire de la musique, spécialement du Rock lorsqu'ils sont tout deux. Même si ce ne sont pas des Stakhanoviste de la post-production ils n'en restent pas moins des génies du riff et apparaît ainsi des bijoux bien plus aboutis que les chansons citées plus haut. Parmi celles-ci se cachent mes favorites et c'est bien normal, on ne peut que s'incliner devant certain tant de créativité. Bizarrement, ce sont les chansons les moins énervées que nos deux excités réussissent le mieux :« Music When The Light Go Out » et « What Katie Did » sont, à mon sens, deux piliers sur lesquels se reposent l'album. (Doherty reprend encore en concert la première lors de ses performances solos.) Pour les amoureux de rythmes plus fous, font partis des titres les plus aboutis « The Man Who Would Be King », « You Can't Stand Me Now » et « Road To Ruin » avec une mention spéciale pour ces morceaux qui bénéficient d'une très bonne utilisation du duo de guitares avec un partage laissant libre court aux imaginaires des deux protagonistes à savoir plus mélodique pour Doherty avec des petites notes se superposant et plutôt les bases rythmiques pour Barat. La chanson « What Became Of The Likely Lads » est sans aucun doute la meilleure utilisation du duo de chant, utilisant de réponses et d’écho l'un de l'autre avec encore une fois les partitions des deux guitares qui ne se montent pas l'une sur l'autre. C'est ma chanson préférée de l'album mêlant l'agressivité et la finesse d'un groupe ayant du mal à se trouver un équilibre et qui semble avoir attendu la dernière chanson pour le trouver.


La dernière force des Libertines est d'avoir réalisé des enregistrements en une seule prise, et même parfois de plusieurs chansons à la suite. C'est un atout majeur dans la puissance que transmet le contenu de cet album. J'ai critiqué en amont de cet article le manque de post-production. Et bien, ils arrivent, grâce à une sorte d'album semi-live, à s'échapper de cette tache et des lourdeurs qu'elle peut entraîner. C'est un joli pied de nez à toute cette industrie du disque qui travaille pendant des heures à l'AutoTunes pour obtenir un résultat formaté au maximum. Ici rien n'est plus brut et vivant qu'un groupe jouant à l'unisson. Si plusieurs morceaux bénéficient de ce traitement on peut l'entendre clairement sur la transition entre« Narcissist » et « The Ha Ha Wall » qui n'existe tout simplement pas puisqu'elle est remplacée par un pont musical indiquant même aux moins avertis que le groupe n’arrête pas de jouer et surtout joue ensemble. Cela peut paraître futile d'avoir un groupe qui enchaîne les enregistrements, mais quiconque a déjà essayé de s'enregistrer en groupe ou seul, sait que cela relève d'une grande maîtrise.


L'album se termine sur une chanson cachée : « France ». Un superbe morceau tout acoustique. C'est à se demander comment les créateurs d'une telle finesse peuvent être les auteurs de « Campaign Of Hate ». Toute la mélancolie apportée « What Became Of The Likely Lads » se voit explorée lors de « France ». Finalement c'est le seul vrai reproche que l'on peut faire à Libertines : aborder les thèmes, réussir à les mettre en place brillamment par moment mais de ne pas assez les traiter, de ne pas les avoir fouiller. Comme s'ils avaient eu peur de se livrer l'un à l'autre, de crainte que l'un prenne le dessus sur le groupe, groupe qui ne finira pas sa tournée liée à cet album, écartelé par deux egos de la musique moderne.

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