Deuxième
opus de Charlie Winston, « Running
Still » peut il faire naître
pour son interprète le même engouement qu'avait créé son
prédécesseur ? Alors que « Hobo »
avait littéralement envahi les ondes et les chaînes musicales au
point de me
dégouter
du personnage et de sa musique. C'est donc
avec une certaine appréhension que je
m’apprêtais à écouter ce nouvel album.
Force
est de constater qu'à la première écoute on reconnaît, presque
trop, la patte Winston. A bien le
réécouter, on s’aperçoit alors
qu'il y a des rythmes de guitares à quatre accords, une section
rythmique ultra présente, un harmonica et une voix qui
chante/parle : bref, tout le mélange qui avait fait cartonner
son grand frère « Hobo »...
mais pas seulement,
loin de là.
Je
ne m'attarderai pas sur le single « Hello Alone ».
Mise à
part la réalisation du
clip par Andrew Gura qui nous gratifie d'un superbe rendu
photographique (oui C.W est
beau, a un style « inassumable » pour le commun des
hommes, et fait rêver toutes les demoiselles levant les yeux sur
lui, ce n'est pas le sujet !) et d'une guitare trempée au grand
dam de tous
les puristes de l'instrument, ce single s’inscrit dans la suite du
précédant album.
Car
si les trois premières chansons reprennent la bonne vieille recette
de 2009, s'en suit le Winston Nouveau, ou tout du moins, le Charlie
Winston qui libéré des contraintes budgétaires et radiophoniques,
tente, ose et essaye ce qui lui plait,
qui laisse vivre son âme d'artiste touche à tout.
Et ça marche. Charlie
Winston livre un album bourré de
références, avec des titres profonds et tendres à la fois. Le
titre titre « Wild Ones »
est une mise en abyme de cet album. Profondément ancrée
dans son style, l'intro n'inspire rien de nouveau ;
mais à peine le refrain entamé,
les arrangements très fins et efficaces, sur lesquels je reviendrai
plus en détail, font naître une envie de danser à la façon de
« Lonely Boy »
des Black Keys. Et surtout, on
ressort du morceau en se demandant ce que l'on vient
d'écouter (et de faire si l'on s'est mis à danser !)
On
sort de l'album avec ce même sentiment.
Tout
d'abord, C.W use du piano bien plus qu'avant, et c'est un réel
plaisir que d'écouter des morceaux avec
cette dominance piano/voix comme « The Great Conversation »,
« She Went Quietly » ou
encore « Making Yourself So Lonely ». La première est une
sorte de transition entre
les deux albums, car même si « Speak To Me » est osée
dans sa fabrication (Winston n'a utilisé que sa voix pour
instrument) on reste vraiment (trop) proche de ce que l'on nous a
rabâché durant les trois dernières années. Cette « Great
Conversation » se tient donc
sur les accords de « Moonlight Sonata » de Beethoven, et il
en profite pour remercier toutes
ses inspirations :
nous les remercions aussi pour le résultat. Ce passage indique une
suite bien plus reluisante que ne
l'avait laissé espérer le très
formaté « Where Can I Buy Happiness ? ».
Les
morceaux passent
et l'on prend plaisir à entendre la puissance des arrangements qui
se développent tout au long d' « Unlike Me ». Cette
chanson est
des plus épurées, mais
l'utilisation du xylophone la rend
émotionnellement très prenante :
cela n'est pas sans rappeler l’usage
que les RHCP ont fait de cet instrument
dans « 21st Century ». Les arrangements
prennent aussi la forme de claviers « à la » Muse sur
« Making Yourself So Lonely »,
et rajoutent
sans conteste une profondeur à cette chanson d'amour perdu,
ainsi qu'une sorte d'étourdissement qui
accompagne si peu souvent ce genre de chanson.
Au delà de ces morceaux plus doux, l'album est dans l'ensemble plus musclé que le précédent, tout en gardant une cohérence avec le reste des chansons proposées. On a pourtant l'impression que « Rockin'In The Suburbs » ou autre « Until You're Satified » sont plus là pour tenir un numéro de plus que pour apporter une plus-value à cet opus, qui auraient mérité soit d'être mieux travailler soit de faire différents choix sur leur orientation musicale. « Until You're Satified » se cherche entre une guitare presque funk, un rythme pop et une basse très grasse... Ceci dit, ces titres seront efficaces en radio et chez toute personne cherchant à sortir du lit de bonne humeur.
L'idée
de laisser planer les morceaux sur la fin, qu'ils soient posés ou
secoués, est plus que réussie.
Reprenant les basiques des meneurs du genre on entendrait presque le
très médicalement reconnu « Teardrops »
de Massive Attack à
la sortie de « Summertimes Here All Year ».
Il
serait injuste de réduire cette dernière à un semi-plagiat tant le
texte est engagé et puissamment servi par une
musique planante. A
propos des textes, Charlie Winston se
désolait, en souriant, dans une interview à « 3ème Gauche »
que le public
Français ne puisse pas plus entrevoir la profondeur de ses textes
(Il est vrai que pour la plupart d’entre
nous, nous chantons anglais avec la
bouche pleine de marshmallow...) Et c'est
bien dommage, car cet album, bien plus centré sur lui et sur une
rupture
difficile, fourmille de petites
perles
que la pop/folk/rock a
oublié
de pondre depuis quelques années. Le meilleur exemple reste
lorsqu'il donne sa voix pour faire parler les autres :
le texte de « Lift Me Gently »
donne des frissons de part sa noirceur calfeutrée dans un écrin
d'arpège de guitare sèche. (Bizarrement, la ballade cachée
de l'album éponyme des Libertines m'était venue
à l'esprit à la première écoute).
L'espace
de quelques écoutes et d'une interview, Charlie Winston m'a
(re)conquit avec un album ayant su évoluer vis à vis du premier née
de la famille Winston. Cet album charme plus par ses ballades et
autre piano/voix que par son côté explosion de son. Un album qui
donne envie d'écouter le prochain et surtout de voir Charlie sur
scène pour voir comment il arrange toute l'émotion contenue
dans son album face à la foule. Car plus important que l'album, la
scène reste pour moi le plus important dans le monde de la musique.
On ne peut exister en dehors de la scène.
Il ne reste plus qu'à espérer que le rouleau compresseur qu'est le
monde de la musique industrielle nous laisse apprécier cet album en
paix en évitant le gavage et en distillant les petites perles de
Running Still.
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